Lorsque j’ai débuté le graffiti, je me suis intéressée à son histoire globale. Plus je cherchais à en savoir sur ses origines, son développement et sa conception, plus je découvrais des informations étonnantes. J’ai donc eu envie de vous proposer un article dédié à ces éléments importants qui font l’identité du graffiti.
1. La légende Kilroy
Kilroy est un célèbre personnage dont on situe la naissance dans les années 40, durant la Seconde Guerre Mondiale. C’est un dessin qui représente une tête chauve, regardant au-dessus d’un mur et signé “Kilroy Was Here”.
C’est aussi la première hypothèse étudiée pour déterminer l’émergence des graffitis modernes.
Les origines de ce graffiti sont multiples, mais sa source la plus probable viendrait d’un chantier naval de Quincy, dans le Massachusetts. James J. Kilroy a été désigné comme son auteur présumé. Il travaillait sur l’un des chantiers navals les plus prolifiques de Quincy. Et il utilisait cette inscription, comme repère, sur les rivets qu’il avait vérifié. Le plus souvent dans des endroits difficiles à atteindre.
Plus tard, pendant la guerre, l’inscription va peu à peu se révéler aux soldats et nourrir leur imaginaire collectif. Ils la verront comme la transmission d’un message d’un super G.I. Convaincu d’un challenge à relever, certains d’entres eux s’amuseront à griffonner le logo sur tous les lieux les plus difficiles et dangereux à atteindre.
Cette pratique va finalement s’inscrire dans l’histoire et servir d’élément clé à la culture graffiti en devenir.
2. De “writer” à graffeur
Le fait d’écrire sur les murs est une pratique qui existe depuis l’Antiquité. On retrouve la première forme d’écrit, sur les roches, dans les grottes de Lascaux. Une étude avait permis de révéler que les dessins traduisent des cycles lunaires. D’après les chercheurs Alistair Coombs, de l’université du Kent et le Dr. Martin Sweatman, de l’université d’Edimbourg, les peintures rupestres qui ornent le lieu « ne sont pas simplement des représentations d’animaux sauvages. Au lieu de cela, les symboles des animaux représentent les constellations dans le ciel nocturne et sont utilisés pour marquer les dates et des événements tels que des comètes ». Une façon donc pour l’Homme de se repérer dans le temps… Ingénieux non ?
La forme de graffiti telle que nous la connaissons aujourd’hui s’est popularisée dans les années 60 à Philadelphie. Cornbread, qui en est le précurseur, va initier sans le vouloir une redéfinition géographique des quartiers défavorisés de la ville. Gangréné dans la pauvreté, le trafic de drogue s’intensifie et avec, la prolifération des gangs.
Loin de vouloir se repérer dans le temps, ces derniers vont marquer leur territoire en écrivant leur “tag” sur les murs.
Ce n’est qu’au début des années 70 que le terme graffiti fait son apparition. Le phénomène a envahi les rues et les métros de New York. La ville est au bord de la faillite et sa jeunesse désabusée va choisir ce mode d’expression pour faire valoir ses revendications.
Le 21 juillet 1971, un article du journaliste Don Hogan Charles, publié dans le New York Times fait grand bruit. Pour la première fois, un journal officiel se penche sur le phénomène du writing, en proposant un portrait de Taki 183, qu’il va qualifier comme étant du graffiti.
3. La relation entre Hip hop et graffiti
Le Hip hop est un concept culturel qui se développe au début des années 80.
Alors que le graffiti prend naissance dans les années 60. Jusque-là ces deux phénomènes n’avaient pas de lien et étaient complètement indépendants.
C’est un article de Richard Goldstein qui va changer la donne. Journaliste influent et critique culturel, Goldstein avait publié, sept ans plus tôt, le premier article grand public à parler favorablement du graffiti.
Dans son article, paru en 1980 dans Village Voice, il va lier pour la première fois le Hip hop et le graffiti. Il y défendait l’idée selon laquelle les deux phénomènes avaient pour origines les mêmes conditions culturelles.
Le Hip hop à ses débuts devient une « voix » ou « issue de secours » pour la jeunesse des quartiers défavorisés. Le mouvement va peu à peu intégrer 4 modes d’expression : le rap, le deejaying, la breakdance et le graffiti. Toutes ces disciplines ont en commun une réalité : celle d’une jeunesse quotidiennement minée par les discriminations sociales, économiques et politiques de la ville New York, qui vit à cet instant ses heures les plus sombres.
4. Une organisation, des codes
La structure
Un “crew” ou un “squad” est un groupe de graffeurs qui travaillent ensemble. Vous pouvez être membre de plusieurs équipes. Le processus pour intégrer un ”crew” est informel.
Chaque “crew” utilise toujours trois lettres pour un nom. La signification des lettres est généralement sujette à interprétation.
La hiérarchie
- Les nouveaux graffeurs s’appellent des “toy” (jouet).
- Les plus visibles ou les plus qualifiés sont appelés “King” (roi) ou “Queen” (reine) et l’iconographie des couronnes dans leur travail fait référence à ce statut. Les pratiquants moins expérimentés ne peuvent accéder au statut supérieur qu’en impressionnant un «king»
- Entre eux, les “toy” et les “king” sont simplement appelés “writers”.
Les valeurs
Dans chacune des disciplines associées à la culture Hip hop, on prône le dépassement de soi et la réalisation. Le hip hop a bouleversé cet art contemporain. Omniprésent en milieu urbain, le graffiti permet au graffeur issu de la culture Hip hop de s’associer à un collectif ou à un mouvement (appelés « crew » ou « squad »), de s’imprégner de son environnement et de laisser sa marque.
Le Hip hop est ainsi à l’origine une culture pacifiste, prônant le cosmopolitisme. Donc le graffiti, en tant qu’élément du mouvement Hip hop, partage ces valeurs.
5. Le graffiti est différent du street art
Graffiti et street art sont souvent confondus. Les deux sont des mouvements artistiques où le travail est affiché en public plutôt que dans une galerie. Mais ils diffèrent en terme de technique, de fonction et d’intention.
Le graffiti est une forme d’expression tirée de l’Antiquité. Elle consiste à représenter toutes sortes de pictogrammes sur des murs dans des buts divers. Les graffeurs travaillent uniquement avec de la peinture en aérosol. Leurs œuvres n’ont pas vocation à attirer l’oeil du tout public. C’est avant tout un dialogue entre graffeurs.
Le street art est un mouvement artistique populaire et vivant. Il emploie des matériaux allant de la peinture acrylique, à l’huile en passant par le bois ou le métal. Il prend des formes diverses : peintures murales, sculptures, collages et performance artistique. Les artistes de rue veulent que tout le monde puisse voir et être impliqué par leur travail. Ils essaient de faire une déclaration.
J’espère que cet article vous aura permis d’apprécier encore plus cette pratique.